Ne pas aimer les mathématiques et avoir un trouble alimentaire
L’enfer. Les chiffres et moi, l’enfer. C’est une relation de violence psychologique. Déjà, les mathématiques de l’école ont été très problématiques. J’ai eu la chance que mes parents puissent me fournir des services de tuteur tout au long de mon secondaire, mais malgré tout cela, je me souviens des crampes mentales devant un graphique cartésien ou en essayant de résoudre un problème d’algèbre. Je pleure un peu juste de me souvenir de ces mots. J’ai vraiment eu de la difficulté à réussir mes cours. C’était certain que je ne choisirais pas un métier qui me demanderait de poursuivre cela, c’était physiquement impossible.
Pourtant, malgré tous mes efforts pour éviter les mathématiques au CÉGEP et à l’université, les chiffres ont trouvé une autre porte d’entrée dans ma vie. Le trouble alimentaire. Je pense que ça a empiré encore plus ma relation de violence psychologique avec eux. Maintenant c’est un traumatisme réel dès que quelqu’un près de mois mentionne un chiffre concernant la nourriture. Le pire étant le nombre de calories, je ressens de l’anxiété juste d’écrire ces mots. Mais il y a plein d’autres manières d’associer des chiffres à la nourriture, en portion, en quantité, en nombre de repas par jour, de brocoli ou de brownies dans l’assiette, en heures entre les repas, en nombre de bouchées prises, en secondes de mastications et c’est infini. Infiniment douloureux.
Je me souviens que la première fois que j’ai voulu arrêter de manger, j’étais en 6e année du primaire. Je m’étais dit que je ne dînais pas à l’école. J’avais jeté le sandwich que ma mère m’avait préparé avec un sentiment de culpabilité immense, mais une détermination féroce à le faire pendant deux semaines pour perdre du poids. J’étais tannée de me faire dire que j’avais des seins et des hanches plus grosses que les autres, alors qu’en fait, j’avais juste des hanches et des seins et les autres non! Puberté précoce, me voilà! Je me souviens de la sensation de faim que j’ai ressentie dès ce premier après midi, du creux dans mon ventre. J’avais déjà faim, je venais de traumatiser mon corps pour la première fois. J’ai oublié mon idée de ne pas dîner.
Quelques mois plus tard, j’ai eu une obsession pour les pushs ups. Je mettais mon cadran plus tôt de 15 minutes pour faire de plus en plus de redressements assis dans ce laps de temps. Ça non plus, je n’ai pas été capable de le maintenir. Mais ces deux souvenirs sont extrêmement importants, parce qu’ils se sont déroulés au début de ma puberté et ils ont hanté mon adolescence. Dans les années suivantes, mon trouble alimentaire n’était pas vraiment présent, il a vraiment kicker in vers 18-19 ans, j’en reparlerai. Mais l’échec de ne pas avoir été capable d’arrêter de dîner à 12 ans et de faire des redressements assis le matin m’a fait sentir de la culpabilité pendant des années. Je me disais toujours que si à ce moment-là, j’avais réussi, je serais différentes aujourd’hui à 14, 15 ou 16 ans. La souffrance que j’avais ressenti à essayer ces deux trucs et à les avoir échoués était sans cesse présente dans ma tête. Parce que je m'étais dit 2 semaines et je n’avais fait qu’une journée. Parce que je voulais 22 pushs ups et à 17 j’ai arrêté. Les chiffres font mal quand on a un trouble alimentaire. Ils tournent sans arrêt dans ta tête. Même pas besoin d’être ceux du poid. Il y en a des centaines d’autres qui hantent avant ceux sur la balance.
